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Michelle Frei – elle fait briller les cellules

Prix Schläfli 2023 en chimie

Prix Schläfli 2023: Son travail pourrait révolutionner la microscopie à fluorescence: Michelle Frei a développé à l’EPF de Lausanne et à l’Institut Max Planck de recherche médicale à Heidelberg une nouvelle méthode pour visualiser les processus dans les cellules vivantes. Pour ce travail, elle se voit décerner le Prix Schläfli en chimie.

Michelle Frei

Astrid Tomczak-Plewka

C’est une journée inhabituellement grise, humide et brumeuse à San Diego. En ce jour d’avril Michelle Frei, post-doctorante à l’Université de Californie à San Diego depuis octobre 2021, se sent comme en Suisse au mois de novembre «sauf qu’il ne fait pas aussi froid». Lors de l’entretien Zoom, elle raconte qu’au gymnase avec option spécifique biologie et chimie, elle a été amenée à examiner des insectes pendant un été caniculaire à Wettingen. Les insectes, dit-elle en riant, n’étaient pas le plus intéressant. «Mais nous pouvions patauger dans la rivière pendant que les autres travaillaient en classe. C’était cool.»

Cet épisode fait ressortir une caractéristique essentielle de la jeune femme de 31 ans. «Je suis très pragmatique et j’ai toujours eu pour principe de faire une chose aussi longtemps que j’y prends plaisir.» À l’école, elle s’intéressait aux sciences naturelles. «J’étais fascinée par la manière dont les choses fonctionnent au niveau moléculaire», dit-elle. «Je voulais savoir ce qui se produisait dans son corps quand une personne était atteinte d’un cancer ou d’une autre maladie.» Les études de chimie ont donc été un choix évident. En fait, Michelle Frei a d’abord voulu étudier la médecine ou la pharmacie: «Mais j’ai pensé que cela m’obligerait à apprendre trop de choses par cœur.» Grâce aux Olympiades de chimie, elle a rencontré des étudiants en chimie qui l’ont convaincue que la chimie était ce qu’il y avait de mieux. Et ils avaient raison.

«En passe de devenir une star de la biologie chimique»

Après son master à l’EPF de Zurich, l’Argovienne savait qu’elle voulait poursuivre dans la recherche. Après un détour par l’entreprise Actelion, elle a commencé un doctorat sous la direction du professeur Kai Johnsson à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Son groupe est spécialisé dans la production de molécules fluorescentes utilisées en microscopie. «Cela permet d’observer des phénomènes biologiques dans les cellules», explique Michelle Frei. En général, on utilise pour ce faire un colorant rouge, bleu ou vert. De la lumière est projetée sur les molécules correspondantes – qui émettent en retour une autre lumière – avec un certain décalage temporel. En fonction du colorant, ce décalage, ou durée de vie, est plus ou moins long. «On le sait depuis longtemps, mais ces connaissances n’ont pas encore été vraiment appliquées», précise Michelle Frei.

Dans sa thèse de doctorat, qui vient d’être récompensée par le Prix Schläfli, elle a travaillé avec des colorants qui se fixent sur une protéine nommée HaloTag. Elle a produit trois variantes de cette protéine. Si elle fixe maintenant les trois variantes au même colorant, elles ont certes toutes la même couleur, mais la durée de vie n’est pas la même. «Je peux donc examiner trois choses différentes avec un seul colorant», explique la chimiste. «Je peux ainsi envoyer une protéine dans le noyau cellulaire, une autre dans la membrane et la troisième dans les mitochondries.» Ce procédé est appelé multiplexage. Pour la microscopie à fluorescence, utilisée entre autres dans le domaine biomédical, il s’agit d’une innovation révolutionnaire. Kai Johnsson, directeur de thèse de Michelle Frei: «Je suis convaincu que ce travail va faciliter dans une large mesure l’utilisation par la communauté scientifique du multiplexage de la durée de vie de la fluorescence.» Pour lui, c’est évident: «Michelle Frei est en passe de devenir une star de la biologie chimique». Ce compliment laisse d’abord la jeune femme sans voix. «Wouah, un tel compliment venant de lui, c’est vraiment un grand honneur.»

Passionnée de recherche

Elle aimerait bien revenir en Suisse et diriger son propre laboratoire. Mais elle veut profiter du prochain an pour en apprendre encore davantage dans l’un des laboratoires les plus prestigieux au monde. «La recherche me passionne», confie-t-elle, rayonnante. «La compréhension des processus moléculaires me fascine encore aujourd’hui». Sa deuxième passion, ce sont les livres, en particulier les polars nordiques. Donc, si la Californie devait continuer à ne pas se montrer à la hauteur de sa réputation de région ensoleillée, la Suissesse pourra sans crainte se projeter dans l’hiver scandinave – avec vue sur le brouillard de la baie de San Diego.

Live-cell fluorescence lifetime multiplexing of CEP41 (microtubules) and H2B (nucleus) fused to HaloTag7 and HaloTag11, respectively. The two HaloTags were labeled with MaP618-CA.
Live-cell fluorescence lifetime multiplexing of CEP41 (microtubules) and H2B (nucleus) fused to HaloTag7 and HaloTag11, respectively. The two HaloTags were labeled with MaP618-CA.Image : Michelle Frei

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